Une jeune femme, Nova, nous ouvre les portes d’une l’histoire.
Un village. Les parents viennent de mourir, Gregor, Hans et Sophie, les frères et soeurs se retrouvent pour le partage de l’héritage et de la maison familiale.
Gregor, l’aîné, a quitté le village il y a de nombreuse année pour s’établir en ville. Il est devenu écrivain. Son frère cadet Hans, devenu ouvrier, demande à Gregor de renoncer à sa part de la maison familiale, qui en tant qu’aîné lui revient de droit, pour que leur soeur Sophie puisse y rester et ouvrir un commerce. Hans et Sophie, demeurés au village, mènent eux une vie beaucoup plus modeste et ont des parcours et conditions sociales opposées.
Le village est occupé par un important chantier, au sein duquel des ouvriers terminent leurs dernières journées de travail, avant de partir ailleurs. Un moment de passage pour ces ouvriers, qui vont repartir, comme pour Gregor, qui revient. Le paysage lui-même porte la marque de cette transition. “Là où il y avait le milieu, on a mis une plaque : « Centre village ». Même les anciens sentiers ont été, entre-temps, tous munis de plaques, ils portent le nom des riches nouveaux arrivants”.
Hans après des embrassades avec son frère présente ses collègues de travail Anton, Ignaz, Albin. Les trois ouvriers et l’intendante du chantier racontent chacun à leur tour leurs histoires, leurs anecdotes. Ils font surgir par leurs paroles, cet autre monde auquel nous ne prêtons pas attention.
Sophie retrouve elle aussi son frère ainée. Elle lui parle de ses perspectives, projet d’avenir ; devenir gérante de son propre commerce, elle voudrait sortir de sa condition de vendeuse, de sa soumission. Gregor qui vouait autrefois un amour véritable à sa soeur, la dénigre et lui demande renoncer à ce projet qui n’est pour lui que vanité. Il veut conserver la maison, et ne veux pas dénaturer les choses par le commerce.
Au milieu de ces retrouvailles tumultueuses une vieille femme veille, écoute et commente cette histoire. Elle connaît le monde ancien et voit le passé qui s’écroule. Une histoire que tout le monde essait de reprendre dans ses mains et qui se répand sur le sol comme du sable, comme la poussière de morts que l’on voudrait faire revivre. Les frères et soeurs se trouvent irréconciliables. L’expérience d’étrangeté se retourne sur Gregor lui-même, que les autres personnages ne reconnaissent plus comme l’un des leurs : “Retourne chez-toi à l’étranger. Il n’y a que là-bas que tu es ici”.
Mais surgit de nulle part, à l’image d’un choeur antique, Nova, la jeune femme qui n’appartient pas à cette histoire, nous rattrape au bord du précipice, à la clôture de la tragédie. Elle fait l’éloge de la vie réelle, à laquelle on ne prête aucune attention et qui se révèle dans toute sa puissance. Les mots reprennent de leur force et nous dévoilent un large champ poétique, une parole d’espoir, une parole lumineuse. Une parole qui est tout autant une réflexion philosophique sur notre monde qu’un acte politique, aujourd’hui plus urgent et nécessaire que jamais.
« C’est un théâtre du langage le plus simple et le plus ample qui soit. Dix personnages, des gens ordinaires pour peu qu’on les entende, sont porteurs de mondes inépuisables et toujours inattendus. La parole ici fait voir l’intime des choses, des faits et des gestes. Il y est parlé de ce qu’on néglige, de cet essentiel que l’on élude et qui fonde tout ce qui a lieu ; les mots deviennent des images et le théâtre se fait récit. Le quotidien devient monumental, l’insignifiant se fait grand. Une épopée du quotidien où chacun des personnages parle par et pour les autres. Nova réinvente le monde tel qu’il est et chacun est toujours autre : c’est peut-être ce que veut montrer ce «poème dramatique» ».
Georges-Arthur Goldschmidt
Par les Villages
Traduction : Georges-Arthur Goldschmidt
Mise en scène : Philippe Vincent et Claire Cathy
Un travail sur le territoire de la communauté de communes du Pays de Lapalisse et ses habitants.
Avec : Véronique Bettencourt, Claire Cathy, Damien Faure, Anne Ferret, Anis Dridi, Bertrand Renard, Emmanuel Robin, Margot Serraille, Philippe Vincent
et la participation de : Charles Wattara
Musique : Bob Lipman
et la participation de la : Société musicale de Saint-Gérand le Puy
et la compagnie : Hors(e) Series avec le cheval : Vencedor
Régie : Xavier Moitron Darcange
Durée du spectacle : 1h45
Production : Scènes – théâtre – cinéma, L’association Barizière des Possibles,
et la participation de la compagnie Fenil Hirsute
Création en plein air lors des Rencontres de Barizière des Possibles.
Administratrice de production : Léa de Saint-Jean // admin@scenestheatrecinema.com
Production & diffusion : Lise Eneau-Brun // + 33 (0)6 41 30 49 32 // production@scenestheatrecinema.com
Production : Scènes-théâtre-cinéma © 2021
La compagnie Scènes est en convention avec la Drac Auvergne-Rhône-Alpes, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, et subventionnée par la Ville de Lyon.
NOTE D’INTENTION
Si Par les villages possède les caractéristiques d’une tragédie, Nova serait un coryphée, les frères Hans et Gregor en Polynice et Étéocle et la soeur Sophie dans le personnage d’Antigone.
Laïos et Jocaste dans les parents morts, et enfin La vieille femme membre d’un choeur de vieillards. Les trois ouvriers Anton, Ignaz, Albin présentés par Hans à la manière des chefs de guerre défenseurs des sept portes décrits par Étéocle dans les Sept contre Thèbes.
Si tragédie il y a dans Par les villages, c’est celle du temps qui passe. Le passé est écrit et ne peut pas se réécrire. Le temps perdu ne se rattrape plus. Une tragédie des espaces-temps entre ville et de la campagne. Des années durant lesquels s’est érigé un mur entre ville et campagne, entre les deux frères, un mur de temps. Tout est déjà écrit. les morsures du temps ont tracé leurs sillons dans l’histoire. Ce qui est fait ne peut être défait, nous écrivait Vilém Flusser.
L’histoire de la modernité qui après avoir dévoré la ville, vient maintenant grignoter des parties de campagnes, de villages.
Quand la traditionnelle borne kilométrique, qui faisait corps avec le paysage, est remplacée par un panneau indicateur fluorescent aux normes européennes.
Nous allons mettre en scène Par les villages avec Claire Cathy, dans un lieu vierge de tout théâtre, mais pas vierge d’histoire : le lieu-dit de Barizière. Le plein-air, les vieilles pierres et la vue sur le parc des volcans d’Auvergne apportent un cadre unique à ce travail de création. Ce sera certainement une mise en scène déambulatoire, passant de la route à une porte de maison puis à une autre. Nous allons inclure dans le spectacle la fanfare de Lapalisse, qui viendrait le temps d’une ou deux scènes jouer sa musique au loin dans un champs ou sur la route un écho du village, du vrai, celui de Barrais-Bussolles.
La scénographie, les accessoires pourraient être choisit comme un cancer qui vient petit à petit modifier le paysage, le village aux allures anciennes (antique) affublé d’éléments qui lui sont étrangés : panneaux publicitaires vidéo, des caméras de surveillance… Christophe Marthaler avait, dans le palais des papes installé des climatiseurs, sur le mur mythique de la cour d’honneur.
Malgré ces ajouts, les choses ressemblent encore à ce qu’elles étaient, jusqu’au moment où elles n’y ressemblent plus. Elles sont défigurées. C’est cette histoire, les rapports entre frères et soeurs, entre ceux qui sont partis et ceux qui sont restés qui sont méconnaissables, défigurés. On ne reconnaît plus le passé, la charrue a labouré l’histoire : une vraie tragédie.
Philippe Vincent, octobre 2020
Il existe des paysages qui vous inspirent. Où l’on se sent à sa place. Dès la première visite à Barizière, j’ai su que des gens si rencontreraient pour fabriquer ensemble des images, des films, des musiques et surtout une magnifique caisse de résonance pour le théâtre. Et ce moment est venu. Nous avons tissé des liens avec anciens et nouveaux habitants de ce territoire du Bourbonnais, entre la grande ville de nos origines et les villages de notre immersion rurale, comme autant de passerelles créatives, unique remède, pour moi, au coeur de cette société fracturée.
A la lecture du texte Par les villages de Peter HANDKE, son écriture chorale, cette épopée du quotidien qui chemine à travers l’histoire du théâtre m’a totalement séduite. Je vois ces personnages dans un grand dépouillement mais réclamant une présence de l’acteur dans l’incarnation de la parole , parole qui se libère, donne la voix à ceux qui ne l’ont pas, à ceux que l’on ne voit pas.
C’est cette aventure que j’ai proposé de vivre à mes camarades artistes de ces Rencontres de Barizière pour la partager avec le public de ce territoire.
Claire Cathy, octobre 2020
Du 3 au 5 septembre 2021 à 20h aux Rencontres de Barizières à Barais-Bussoles (FR-03)
Du 10 au 12 septembre 2021 à 20h aux Rencontres de Barizières à Barais-Bussoles (FR-03)